« Chaque homme possède deux choses, une vie et un fantôme »
Religion In Primitive Culture, Edward B. Tylor.

J’ai voulu avant tout retranscrire un rêve. Il y a quelques années, j’ai revu E, nous marchions, nous ne nous parlions pas. E. était mon amie, elle est morte quand j’avais vingt ans.
J’ai voulu exprimer mon rapport à la mort à partir du rêve, non pas pour masquer sa brutalité mais pour rappeler son caractère irréversible. Si nous avons la possibilité de revoir les morts dans le rêve, nous savons aussi que c’est un rêve, et l’image retrouvée est souvent là pour nous rappeler de façon encore plus forte son absence.
Je veux montrer que la mort vient toujours titiller la vie. C’est pour cela que la figure du spectre m’est apparue comme décisive. « Qu’est-ce qu’un spectre ? » dit le philosophe contemporain, Quentin Meillassoux, « un mort dont nous n’avons pas fait le deuil, qui nous hante, nous malmène, refusant de passer sur l’autre rive ».
Le sentiment de fatalité que provoque la perte m’est apparu en soi comme dramaturgique. Il s’agit toujours d’un noeud, d’une impasse, de quelque chose d’irrévocable mais que la vie nous impose de surmonter.
J’ai décidé de travailler sur le deuil d’une mort inacceptable : celle d’une jeune femme de vingt ans.